Médecine : la hausse du nombre d'étudiants fait polémique

Publié le par Esprit Campus

Après une quasi-stagnation du numerus clausus depuis 2008, le gouvernement devrait annoncer une hausse aujourd'hui. L'efficacité de cette décision est contestée.

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Un peu plus d'étudiants en médecine l'an prochain, un peu plus de médecins dans dix ans. Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, et celui de l'Enseignement supérieur, Laurent Wauquiez, doivent annoncer ce matin une augmentation du numerus clausus, ce chiffre qui détermine chaque année le nombre de nouveaux étudiants pouvant être formés. Il devrait s'agir de l'une des plus fortes hausses depuis 2005. Elle devrait avoisiner les 100 places supplémentaires, ce qui porterait, pour l'année universitaire 2012-2013, le numerus clausus à environ 7.500. Cette hausse peut sembler faible, mais le niveau atteint ces dernières années est déjà historiquement élevé. Après une forte baisse dans les années 1980 et 1990 (le numerus clausus est tombé à 3.500), les gouvernements successifs ont décidé de fortes hausses après 1998 (voir graphique).

 

Le gouvernement devrait aussi annoncer un relèvement du numerus clausus pour les étudiants issus des « passerelles », ces voies, encore très étroites, qui ne passent pas par le couperet du concours de la première année (lire ci-contre), et permettent un recrutement plus diversifié. La hausse devrait, là encore, approcher les 100 places, sur un total inférieur à 300 aujourd'hui.

Cette hausse suscite déjà l'opposition des syndicats d'internes en médecine. L'ISNIH (internes des hôpitaux) et l'ISNAR-IMG (internes généralistes) estiment que l'augmentation ne résoudra pas « la diminution du nombre de médecins prévue jusqu'en 2020 », ces nouveaux étudiants n'arrivant pas sur le marché avant le début de la prochaine décennie. Ils insistent surtout sur les problèmes qu'elle pose en termes de capacités de formation, pointant un nombre d'enseignants qui n'a « pas augmenté depuis l'ouverture importante du numerus clausus initiée au début des années 2000 ». « Nos facultés ont atteint, parfois même largement dépassé, leurs capacités de formation avec de graves conséquences sur la qualité », déplorent-ils.

 

Même son de cloche du côté de la Conférence des doyens des facultés de médecine. « Nous sommes d'une part déjà au maximum de nos possibilités humaines et matérielles dans un certain nombre de facultés et l'encadrement est d'autre part très inégal selon les territoires », relève Patrice Deteix, président de la Conférence. Il pointe un ratio numerus clausus/enseignants qui s'est détérioré, passant de 0,4 à 0,8 entre 1999 et 2010. Avec de fortes disparités, ce ratio variant de 0,52 en Ile-de-France à 1,27 en Poitou-Charentes et 1,37 dans le Nord-Pas-de-Calais. « Cela pose problème pour les facultés comme pour les hôpitaux. Et il serait faux de croire qu'une augmentation du numerus clausus peut remédier aux déserts médicaux », ajoute-t-il.

 

Les médecins en exercice sont, eux aussi, réservés. « Etant donné la durée des études, relever le numerus clausus ne résout rien dans l'immédiat. Il faut agir dès maintenant en offrant plus de places en internat dans les spécialités où les praticiens manquent, comme la chirurgie ou l'ophtalmologie », estime Michel Chassang, président du syndicat de praticiens libéraux CSMF. « Les ministres sont toujours fiers d'annoncer un relèvement du numerus clausus pour montrer qu'ils pensent à l'avenir, mais le vrai courage serait de reconnaître que ce chiffre n'a aucun sens », juge de son côté François Aubart, qui préside le syndicat de praticiens hospitaliers CMH.

 

Par Vincent Collen et Isabelle Ficek pour les échos

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